Les brouteurs, les arnaqueurs d´Afrique
Ce coup-ci je vous ai trouvé un très beau reportage d´un blogeur. Je vous conseille vivement la lecture de son blog
Cyber-escroquerie… les 501 coups des ’’brouteurs‘’ ivoiriens !
L’escroquerie, sous une nouvelle forme de cybercriminalité en Côte d’Ivoire. Un danger pour la jeunesse qui abandonne la formation au profit de la délinquance. Mon enquête…Visage bardé d’une paire solaire, le poignet scintillant d’une montre de luxe, le téléphone portable 3G scotché à l’oreille, une boucle en diamant sur l’oreille gauche, des bijoux rutilants au cou, des vestimentaires flambants neufs sortis d’une boutique de griffes du Plateau (Abidjan) ‘‘massent ‘’ le corps de Alfred S. Ce samedi, assis dans une « Mercedes classe E» étincelante avec un iPad à son bord, cet adolescent âgé d’à peine 17 ans passe pour un redoutable escroc “avisé’’ sur internet. Il n’a rien à envier à des hommes d’affaires prospères. Encore moins à regretter alors que ses camarades qu’il a abandonnés, trois ans en classe de 3ème, poursuivent leurs études. Il surfe sur les grandes surfaces de la capitale économique d’Abidjan. Alfred S. expose sa manière de «vivre sa vie».
Une vie à tripoter en longueur de journée sur le clavier de son ordinateur. «J’ai décidé de me prendre en charge. Je ne dépends plus de mes parents. Par le biais de l’internet, je suis propriétaire d’une voiture, d’un cybercafé et de deux salles de jeux vidéo. En plus, je vis dans mon appartement», se réjouit le brouteur que ses ‘‘admirateurs’’ appellent affectueusement «le milliardaire» dans le groupe. Un sobriquet qui lui colle à la peau. Pour cet adolescent d’à peine 17 ans, l’école n’est qu’un tremplin pour réussir dans la vie. Du fait qu’ «on n’a pas besoin de faire une classe de lettre pour gruger un Blanc », Alfred S. a eu, révèle-t-il, ses premiers millions de Fcfa, à 17 ans.
Aujourd’hui, il emploie une dizaine de personnes qui travaillent quotidiennement dans ses petites affaires dénommées «écoles de formation». Dans son écurie, il apprend aux adolescents de son âge, les pires méthodes les plus malicieuses pour gruger les honnêtes gens sur la toile. Ces « écoliers » sont baptisés ‘’RL’’ « Robot Lanceur» pendant que lui est le «Chairman». Des lanceurs fou, ils peuvent transférer chaque jour plus de 10.000 messages dans les boîtes électroniques de particuliers européens qui, semble-t-il, sont les cibles les plus rentables. De 8h à 22h, ces ‘‘enfants’’ qui ont abandonné l’école prennent d’assaut l’appartement du chairman dans le sous quartier de Cocody-Les Vallons. Là, un espace a été aménagé. Ces escrocs communément appelés ‘‘brouteurs’’ sont aux pieds du maitre qui leur apprend les rudiments de l’arnaque. L’un, sous le sceau de l’anonymat, accepte de dévoiler quelques techniques du business.
A l’école de l’escroquerie
«Nous créons plusieurs adresses électroniques sur différents navigateurs: Facebook, Yahoo, Google, Aol, Windows live, Msn Messenger… Avec ces boîtes, nous passons à la recherche des adresses e-mail qui permettront de correspondre avec des Blancs ou toute autre personne hors de la Côte d’Ivoire. A travers des sites de rencontre où nous sentons plus la présence des Blancs à la recherche d’âmes sœurs. Nous nous inscrivons sous la mention: sexe féminin. Pendant nos échanges, nous arrivons à avoir leur adresse électronique et leur numéro de téléphone».
autre subtilité permet d’entrer illégalement en possession des e-mails. «Nous saisissons un quelconque prénom et le nom d’un pays sur un moteur de recherche. La page attribuée à ce nom est soumise à un logiciel (extrator) qui est chargé d’extraire les adresses emails », révèle le surdoué de 15 ans qui a fait ses adieux aux études en classe de 4ème pour s’inscrire dans la pègre de la cyber-délinquance. Il est rétribué sur commission. Soit 40% de ce qu’il fait gagner au Chairman. Mais, il ne suffit pas d’amasser les e-mails. Encore faut-il avoir des documents proprement ficelés pour soutenir la parole électronique. G.M, est expert dans le domaine. En plus du ‘’broutage’’, il est spécialiste en « faux et usage de faux ».
A son domicile à Marcory, il établit les documents qui achèvent de convaincre le pigeon sur la véracité du message. «Nous faisons croire sur les sites de rencontres que nous sommes nouveaux et que nous recherchons un partenaire étranger. Bien avant, nous utilisons des photos de filles avec qui nous travaillons pour appâter nos cibles. Ce sont des prises de vues réalisées à différents endroits et dans différentes tenues. Et lorsqu’un “mougou’’ (victime) veut directement s’adresser à nous, c’est la fille qui lui répond au téléphone avec toute la sensualité possible», détaille-t-il.
A l’en croire, ces jeunes délinquants soutirent de l’argent en inventant des histoires. En cela leur imagination est si fertile qu’une personne candide ingurgite le « bagou » sans retenue. Ils parviennent le plus souvent à capturer la victime sur la base du sentiment. Ce qui facilite le transfert d’argent. Voir en encadré l’extrait d’un « format ». Ainsi, appelle-t-il le message piège, qui continue de faire des vagues. La lettre qui fait mordre à l’hameçon du brouteur, est une vraie chimère. Par exemple, se disant réfugié politique, il adresse les documents les plus convaincants à la cible pour engager une procédure de retrait de la caisse métallique de 10,5 millions de dollars USA.
GM produit alors une « carte de réfugié », les « certificats de dépôt de caisse » et de « décès » du fameux père pour ses amis brouteurs moyennant 5.000 FCFA, la pièce. La victime doit fournir ces pièces à une certaine compagnie de sécurité où la caisse est «sécurisée». Entre temps, ces laveurs de cerveau ont créé leur compagnie de sécurité qui n’existe que de nom. C’est-à-dire en ligne avec les emprunts et le logo de certaines entreprises de la place. La cible qui croit au montage, entame la procédure dictée de la maison de sécurité. «C’est à partir d’ici que le client commence à payer. Parce qu’avant de commencer, nous lui demandons de payer les frais de magasinage qui s’élèvent à 10.000 euros (négociable). Après cette étape, il va payer les frais de transfert de la caisse dans son pays (5.000 euros).Puis, lorsque la douane bloque le colis à l’aéroport, il paye encore 5.000 euro», relate le brouteur Joé dans la sérénité. Ce réseau d’arnaqueurs sévit à partir des communes comme Marcory, Cocody et Williamsville, leur zone de prédilection.
Comment appâter les correspondants
Joé révèle qu’en moins d’une semaine ils arrivent à soutirer facilement 20.000 euros (environ 13 millions de FCFA) à leurs correspondants. L’accès au butin est aussi une affaire de « technique ». A cette étape, le brouteur s’abonne à des maisons de transfert d’argent. Ici une marge de 10% lui est prélevée par certains agents sur la somme à percevoir. A ce niveau, la fermeture des structures de transfert d’argent pendant la crise postélectorale a bouleversé la destination Côte d’Ivoire.
Les aigrefins ont de ce fait jeté leur dévolu sur des pays limitrophes : Ghana, Mali et Burkina Faso pour la récupération des sous. A savoir que la crise a arrangé ces escrocs. Les partenaires de l’extérieur payaient facilement, étant donné que la situation était « dramatique » pour des refugiés dans un pays en guerre. Les « Gayes », (nom de code des brouteurs, Ndlr), qui renouvellent sans cesse le stratagème, sont passés maître dans l’art de la persuasion. Grâce à leur capacité à produire de faux documents pour rassurer le « client » sur leur identité ou leur bonne foi. Ils sont subtils et savent s’entourer en fonction du business. Notamment de policiers, banquiers, notaires, juges et charmantes filles à la voix suaves et sensuelles.
Une source introduite dans une banque de la place révèle que certains brouteurs se présentent sur internet comme des agents de banque. «Ils fabriquent des documents en utilisant l’image de la banque, le logo et des numéros afférents pour se faire passer pour des agents de banque. Ils font ensuite croire qu’ils sont prêts à partager l’argent d’un client de la banque qui est décédé. Pour ce faire, ils sont à la recherche de partenariat étranger à qui, ils fourniront les documents pour le retrait de l’argent sur le compte du présumé défunt. Toute chose qui est de nature à discréditer l’image de l’entreprise», se désole Bouabré N, cadre dans une banque ivoirienne.
La complicité de la police et des parents
Dans l’ensemble, les brouteurs opèrent en réseaux et se reconnaissent. Après un bon coup, ils se retrouvent dans les maquis et bars luxueux de la capitale économique pour faire bombance. L’essentiel du butin est dilapidé dans l’alcool, les fringues de marque et les nanas. Pour s’affirmer dans une société du « m’as-tu vu ». Malheureusement, les parents des jeunes escrocs du net ne se soucient de rien ou préfèrent ne pas se poser de question sur la provenance des sommes brassées par ces «chômeurs» patentés. De son coté, la police feint d’ignorer ce trafic.
Selon des indiscrétions, des éléments de la cyber-police encouragent plutôt la cybercriminalité. «Je ne vais plus chercher mon argent dans les structures de transfert d’argent. Les agents de la police scientifique y rodent très souvent et ne tardent pas à te mettre aux arrêts lorsqu’ils te prennent. Et une fois entre leurs mains, tu as le choix entre leur remettre une part de ton butin ou te retrouver à la police judiciaire. Il arrive que ces agents te prennent tout ton argent. Récemment, un agent de la police m’a arraché 2.500 euros (environ 1.637.500 FCFA) pendant que je sortais d’une agence Western union de Cocody», explique « Papi Dollar », âgé de 16 ans, résident à Treichville.
Le petit escroc, confie que ses parents bénéficient de ses largesses. Mieux, son père se charge de retirer ses transferts d’argent quand les pigeons payent. Pourtant, ces activités répréhensibles ont des retombées négatives sur la réputation du pays. Un agent de l’ex-Agence des télécommunications de Côte d’Ivoire(ATCI) a été on ne peut plus clair. «Le pays est désormais sur la liste noire sur Internet. Certains grands sites bloquent les adresses IP ivoiriennes. Cela pénalise économiquement le pays, les transactions et les échanges commerciaux en ligne», s’est indigné l’agent télécom. En attendant, ces malfaiteurs sont tranquilles et prospères.
FBI
Le «format» qui coule…
« Bonjour (Mr ou Mme)
Je sais que mon message sera d’une grande surprise quand il vous parviendra. Donc, je vous présente toutes mes excuses. Je vous écris sincèrement dans le but d’obtenir votre coopération et votre confiance pouvant me permettre d’effectuer une affaire urgente avec vous. Très chère, c’est une proposition très sincère et noble que je vous fais. Je souhaite solliciter votre aide dans la migration et l’investissement dans votre pays pour la fortune que j’ai héritée de mon père. Brièvement, je suis une Sierra léonaise (le pays varie d’une lettre à une autre, Ndlr) âgée de 22 ans et fille unique du défunt DR Kouakou Bah Theodore. Jusqu’à sa mort, mon père était le Directeur général d’une société d’extraction d’or et de diamant dans la région de Kanema en Sierra Leone. Le 6 avril 2002 les forces militaires fidèles au gouvernement d’Ahmed Tijan Kabbah ont envahi la mine d’or et de diamant et ont assassiné mon père. Le confondant avec son frère Kouakou Sankoh qui est le député du (RUF) du révolutionnaire Foday Sankoh. Quand ma mère, absente car venue me voir en côte d’ivoire où j’étudie dans une Grande école a appris la nouvelle, elle est retournée au pays malgré tous les risques et a récupéré certaines des affaires qu’elle jugeait sacrées pour mon père dans notre villa de famille. Parmi les objets récupérés figurait un dossier contenant des détails d’un dépôt que mon père a fait dans une compagnie de sécurité à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Il y a déposé 10.500.000,00 (Dix millions cinq cent mille dollars USA) contenus dans une caisse métallique en son nom. Il n’a pas révélé le vrai contenu de la boîte à cette société. Néanmoins, il a déclaré le dépôt comme étant un bien familial pour des raisons de sécurité. C’est l’argent que mon défunt père a gagné à partir de la vente de l’or et de diamants pendant qu’il était Directeur général de la société minière. Compte tenu du climat politique instable en Côte d´Ivoire , j’ai décidé de chercher un partenaire afin d’investir cette somme hors de la Côte d’Ivoire dans des domaines rentables, c’est donc la raison pour laquelle je viens vers vous pour solliciter votre assistance et nous aider à investir dans votre pays. La meilleure méthode pour conclure cette transaction vue la tension politique en Côte d´Ivoire, serait d’expédier la caisse contenant les fonds dans votre pays. La compagnie de sécurité a la possibilité de nous faciliter les choses en expédiant cette caisse dans votre pays par la voie diplomatique que j’apprécie beaucoup. Dès l’arrivée de ces fonds dans votre pays, vous allez les récupérer et les sauvegarder et engager les démarches pour nous aider à venir s’établir dans votre pays. Ici, notre statut de réfugié ne nous permet pas de faire des affaires. Nous vous demandons également de rechercher des affaires fiables et lucratives, de sorte que nous puissions investir sagement. Nous avons à l’esprit de vous donner 15 % de toute la somme (10.500.000,00 millions de dollars $), et la part de 25% dans n’importe quel investissement que nous ferons au moment venu si vous acceptez de nous aider. Cette fortune que nous vous dévoilons devrait demeurer confidentielle. Cher partenaire tout en restant à votre entière disposition pour vous fournir les documents nécessaires, recevez l’assurance de mes sincères salutations. Que Dieu vous bénisse».
‘’Broutage’’, à quand la fin ?
Le phénomène du broutage a pris de l’ampleur en Côte d’Ivoire en quelques années. Auparavant, c’était l’œuvre de spécialistes venus du Nigéria. Aujourd’hui, des mineurs (ivoiriens) se sont approprié les techniques d’escroquerie au détriment des études et de la formation. Encouragé par l’anonymat que leur garantit Internet et la crédulité de leurs victimes, ils sont nombreux à avoir réalisé de grosses prises. Ce, avec la complicité des gérants de cybercafé, des agents de structure bancaires, des parents et bien d’autres structures en charge de la lutte contre cette forme de criminalité. Et les Européens en font les frais. Puisque le préjudice s’élève à 40 millions de dollars en 2012.
Pour éradiquer le fléau une plateforme a été mise en place par l’Etat de Côte d’Ivoire avec une brigade « anti-broutage ». Elle est chargée d’intercepter les activités suspectes sur internet afin de transmettre les données à la police scientifique. Il revient à cette unité de mettre la main sur les brouteurs. En prélude au premier salon « Shield Africa » qui s’ouvre le 28 mai 2013, va réunir des professionnels africains de la sécurité, c’est-à-dire des officiers de police, de gendarmerie, de douanes… ivoiriennes, ghanéens, togolaise, marocaines. Ces derniers viendront échanger les expériences, avec leurs collègues européens, puisque certaines polices européennes et même américaines seront présentes. Notamment le FBI, la Guardia Civile, la police suisse…, Stéphane Konan, directeur de l’informatique et des traces technologiques au ministère ivoirien de l’Intérieur, prône comme remède la sensibilisation puis le renforcement des contrôles au niveau des paiements. « De nombreuses victimes sont identifiées tous les jours. Nous recevons environ 70 plaintes par semaine. Donc, la sensibilisation d’abord et ensuite le renforcement des contrôles au niveau des paiements, puisque tous les délits cybercriminels se terminent par une transaction financière. Donc, au niveau des paiements rapides, il faut que les États se donnent les moyens de contrôle de l’identité des personnes qui font des transactions. Nous avons démantelé 22 réseaux d’escrocs en 2013. L’année dernière : 59. Aujourd’hui, la réponse est en train de s’organiser. Mais elle reste insuffisante tant qu’elle n’est pas globale », a-t-il fait savoir au micro de RFI, le vendredi 17 mai 2013. Mais, les autorités ivoiriennes croient saisir une opportunité pour endiguer le phénomène du broutage. Depuis l’année dernière, une vaste opération d’identification des abonnés au téléphone mobile a été lancée. Selon le ministère de la Poste et des nouvelles technologies, cela a permis le repérage de 2 millions d’abonnés connectés chez 6 opérateurs de téléphonie mobile. Partant de là, l’Etat a également débuté le recensement des cybercafés à travers le pays. Sans s’arrêter en si bon chemin, il y a quelques jours, un projet de loi relatif à la lutte contre la cybercriminalité, et la protection des données a été adopté par le Parlement ivoirien. Cette loi autoriserait l’emprisonnement des cybercriminels, allant d’un (1) à 20 ans de cachot, avec une amende de 500 mille à 100 millions FCFA. Parviendront-elles ? Les regards sont tournés vers le ministère des nouvelles Technologies.
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