cours d’économie sur la monnaie: La dimension sociale de la monnaie
Dans un article qui fait le point sur la question, Usages de l’argent et pratiques monétaires, Jérôme Blanc [*1] souligne que :
« Alors que les économistes traitent de la monnaie en la définissant de façon instrumentale, mettant en avant les fonctions qui lui confèreraient une utilité propre (le compte ou l’étalon de la valeur, le paiement et l’intermédiation des échanges, la conservation de la richesse), c’est d’argent dont il est question en sociologie et en anthropologie, et c’est de l’argent dont se saisit le sens commun (la monnaie n’étant qu’une concrétisation de l’argent sous forme de moyens de paiement manuels). Alors que pour les économistes la monnaie renvoie d’abord à un problème de quantité, l’argent est d’abord un ensemble de qualités, dont la première est peut-être d’être le réceptacle des affects populaires. De l’argent quotidien ou accumulé, l’économiste voit des revenus et des patrimoines, (…) et là encore c’est aux quantités qu’il s’intéresse (en définissant par exemple des seuils de pauvreté à partir de niveaux relatifs ou absolus de revenus), non aux qualités de l’argent qui lui donnent une signification sociale. »
Il n’est pas possible ici de développer cette opposition mais la lecture de l’article de Jérôme Blanc (document joint) est un détour fortement conseillé.
C’est le même problème qui est soulevé par André Orléan dans l’article « Monnaie » rédigé pour le Dictionnaire des sciences humaines [*2] Dans cet article (document joint en bas de page) André Orléan oppose deux conceptions de la monnaie : instrumentalisme contre institutionnalisme. Voici un bref résumé de la manière dont André Orléan présente ces deux conceptions.
La conception instrumentaliste (très largement dominante chez les économistes) considère que la monnaie est un outil de l’économie marchande (elle est un intermédiaire des échanges). Elle permet de faciliter la circulation des marchandises. Pour expliquer comment un instrument d’échange s’impose il est généralement fait référence à une « production spontanée de l’économie privée », chaque agent cherchant à minimiser ses coûts de transaction en tentant de découvrir l’intermédiaire des échanges le plus utilisé et, en conséquence, le plus efficace. L’instrument d’échange une fois déterminé, il s’impose « naturellement » comme instrument de mesure des valeurs, comme unité de compte. [*3]
La seconde conception fait de la monnaie non pas un instrument au service de l’économie marchande mais l’institution de base des économies marchandes, leur principe fondateur [*4]. La valeur ne préexiste pas aux échanges monétaires car c’est par le biais de la monnaie que la valeur accède à l’existence et s’impose aux agents. L’existence de la monnaie produit un espace commun d’évaluation et de règlement permettant les échanges et servant de guide aux productions privées. L’économie de marché n’existe que parce que les hommes ont accepté tous ensemble d’utiliser la monnaie. Il faut donc définir une unité de compte pour qu’un langage commun, celui des prix, s’impose à tous et donne du sens aux « valeurs ».
Cette conception a connu deux formulations conceptuelles suivant qu’elles fondent l’institution de la monnaie dans la loi ou dans la confiance.
La première n’est plus guère représentée aujourd’hui, elle trouve son origine dans l’œuvre de Georg Friedrich Knapp et elle est souvent résumée par cette citation « la monnaie est une création de la loi ».
La seconde apparaît chez Georg Simmel qui parle de « foi socio-psychologique apparentée à la foi religieuse » ou chez François Simiand qui soutient que « toute monnaie est fiduciaire » en ce qu’elle est le produit d’une « croyance et d’une foi sociale ».
D’autres références pour aborder cette question
Quelques références pour aborder cette question.
Une série d’article sur le blog L’Antisophiste de Claude Borde
L’île à la monnaie de pierre (part 1)
L’île à la monnaie de pierre (part 2)
L’île à la monnaie de pierre (part 3)
L’île à la monnaie de pierre (part 4)
Le chapitre 1 B et C dans Économie monétaire et financière, Jean-Luc Bailly, Gilles Caire, Archangelo Figliuzzi, Valérie Lelièvre, Bréal, 2000 nouvelle édition 2006. Disponible sur google-book à cette adresse
Sur le site de l’Institut de recherches et de prospective postales une série de 4 articles consacrés à la monnaie :
Un bien sans qualités
Les paradoxes de l’argent
Un bien public au service du bien public ?
e-monnaies et autres « monnaies privées »
André Orléan, in Revue du MAUSS, n° 14, 4ème trimestre 1991, p. 126-152 : L’origine de la monnaie
Du même auteur Revue du MAUSS, n° 15-16, 1er et 2ème trimestre 1992, p. 111-125 : La monnaie dans les sociétés holistes
Jérôme Blanc, Centre Auguste et Léon Walras, Texte pour l’ouvrage collectif P. Dockès, L. Frobert, G. Klotz, J.-P. Potier, A. Tiran (éds), Les traditions économiques françaises 1848-1939, Paris : Éditions du CNRS, 2000 : Questions sur la nature de la monnaie : Charles Rist et Bertrand Nogaro, 1904-1951,
Michel Aglietta, p. 91-106 de L’économie mondiale 2003, CEPII, Editions La Découverte, collection Repères, Paris, 2002 : Le renouveau de la monnaie,
Sur google books : Théorie de la monnaie et de la banque : Tome 1, l’essence de la monnaie, Joseph Alois Schumpeter, Editions L’Harmattan, 2005, Cahiers d’Économie Politique.
André Orléan, « La monnaie contre la marchandise », L’Homme, 162 | avril-juin 2002, [En ligne], mis en ligne le 03 juillet 2007. URL : http://lhomme.revues.org/index155.html. Consulté le 20 octobre 2009.
Grégory Ode, Université de Paris I Panthéon – Sorbonne – Master d’économie : Analyse hétérodoxe de la monnaie appliquée à l’euro : l’originalité et le pari d’une monnaie pionnière en son genre, produit de la rationalité économique.
[*1] Jérôme Blanc, Working paper n° 2008-3, Mai 2008, Laboratoire d’Économie de la Firme et des Institutions, Université Lumière Lyon 2
[*2] Dirigé par Sylvie Mesure et Patrick Savidan, Presses Universitaires de France, 2006.
[*3] La valeur des biens est indépendante de la monnaie, elle est consubstantielle à l’existence des biens. Les rapports d’échange entre les biens s’établissent spontanément – ce sont les prix relatifs. La monnaie permet simplement de faciliter les échanges en établissant des prix monétaires – qui ne sont rien d’autre que les prix de chaque bien relativement à la monnaie.
[*4] Sans monnaie il n’y aurait pas d’économie marchande
Sommaire
Sources
http://bts-banque.nursit.com/La-dimension-sociale-de-la-monnaie
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