cours d’économie sur la monnaie: Le multiplicateur monétaire
On a vu qu’il existe une relation arithmétique simple entre la base monétaire et la masse monétaire.
Les hypothèse initiales peuvent être modifiées pour enrichir cette présentation.
Le comportement des agents non financiers en matière d’arbitrage entre billets et monnaie scripturale (dépôts) reste stable mais le rapport est calculé autrement : au lieu d’écrire que les billets représentent une part constante de la masse monétaire on peut écrire que le rapport des billets aux dépôts est constant ce qui revient au même mais le coefficient change
L’hypothèse s’écrit désormais B = b* D
Les banques étaient implicitement supposées détenir des réserves strictement égales aux réserves obligatoires. En réalité elles peuvent souhaiter détenir des réserves excédentaires pour disposer de marges de manœuvre dans leur gestion. Ces réserves excédentaires ne seront pas constituées au hasard, et il n’est pas absurde de penser qu’elles sont proportionnelles aux dépôts gérés par les banques.
L’hypothèse s’écrit désormais R = RO + RE avec RO pour les réserves obligatoires et RE pour les réserves excédentaires. Le coefficient des réserves obligatoires reste ro et RO = ro D alors que les banques s’appliquent un coefficient re pour constituer leurs réserves excédentaires RE = re D. Ainsi R = (r + r*) D.
Il suffit de reprendre le raisonnement précédent :
M = D + B = D + b* D = (1 + b*) D
BM = RO + RE + B = ro D + re D + b* D = (r + r* + b*) D
donc finalement
et comme ro + re + b* < 1 il s’agit bien d’un mécanisme multiplicateur.
La multiplication est d’autant plus forte que les coefficients de réserves (obligatoires et excédentaires) et que l’usage des billets relativement à la monnaie scripturale sont plus faibles.
Les manipulations précédentes n’expliquent pas pourquoi il en est ainsi. Comment une augmentation de la base monétaire peut-elle entraîner une augmentation nettement plus grande de la masse monétaire ?
Pour une raison quelconque (exportation donnant lieu à une opération de change par exemple) une banque connaît une augmentation de ses réserves de 10000 euros (elle crédite le compte de l’exportateur, puis livre les devises à la Banque de France qui crédite son compte). Dans cet exemple les banques ne souhaitent pas garder de réserves excédentaires, le coefficient des réserves obligatoires est fixé à 2% et porte sur les dépôts. Les agents non financiers conservent 15% de leur monnaie en billets.
Disposant d’un excédent de réserves de 10000 euros la banque va accorder un crédit équivalent à l’un de ses clients. Ce client retire 15% en billets (1500 euros) et utilise le reste pour financer ces dépenses. Les agents qui reçoivent les paiements correspondants les portent à leur banque qui créditent leurs comptes pour 8500 euros. Les dépôts qu’elles gèrent augmentant de 8500 euros les banques doivent constituer des réserves obligatoires pour un montant valant 8500 x 2% = 170 euros. Pour l’ensemble des banques les 10000 euros de monnaie Banque centrale initialement reçus ont pour partie été débitée de leurs comptes à la Banque centrale (soit pour la conversion en billets soit pour constituer les réserves obligatoires).
Il reste donc 10000 – (1500 + 170) = 8330 euros de réserves excédentaires.
Les banques vont accorder un montant équivalent de crédit à leurs clients qui en transformeront 15% en billets (1250 euros) et qui en dépensant le reste alimenteront les dépôts d’autres personnes pour un montant de 7080 euros donnant lieu à la constitution de réserves obligatoires pour 142 euros (7080 x 2%). Les réserves excédentaires des banques diminuent encore et valent désormais 8330 – (1250 + 142) = 6938 euros…
… le processus s’arrête lorsque les 10000 euros de monnaie Banque centrale initialement reçus par la banque ont été entièrement utilisés.
Au total sous l’effet d’une augmentation de la base monétaire de 10000 euros la masse monétaire a augmenté de 59880 euros dont 8982 euros en billets.
La deuxième colonne qui contient les vagues de crédits nouveaux donne la somme suivante :
59880 = 10000 + [10000 – 10000 x 15% – 10000 x (1 – 15%) x 2%)] + …. + soit en remplaçant les données par leurs symbôles et en notant Δ pour les variations et Σ pour somme :
ΣΔM = ΔBM + ΔBM (1 – r – b + rb) + …. soit
ΣΔM = ΔBM [1 + (1 – r – b + rb) + (1 – r – b + rb)2 + … + (1 – r – b + rb)n …]
l’expression entre crochets est la somme des termes d’une progression géométrique dont la raison (1 -r -b + rb) est inférieure à 1, le nombre de termes tendant vers l’infini on sait que cette somme se calcule comme le rapport de 1 à 1 diminué de la raison soit 1 / [1 – (1 – r – b + rb)] donc 1 / (r + b – rb) ou encore 1 / [b + r (1 – ] ce qui permet d’écrire ∑ΔM = ΔBM [1 / [b + r (1 – ]
donc l’augmentation de masse monétaire est un multiple de l’augmentation de la base monétaire et on retrouve le résultat obtenu plus haut dans les mêmes hypothèses.
Sommaire
Le multiplicateur monétaire aujourd’hui
L’article consacré aux limites de la création monétaire contient une présentation du lien entre base monétaire et masse monétaire.
Les économistes s’interrogent sur la pertinence de cette analyse lorsqu’on veut l’appliquer aux systèmes monétaires d’aujourd’hui. On peut montrer d’une part que ce mécanisme ne fonctionne pas de la même façon aux États-Unis et dans la zone euro et s’inquiéter d’autre part des transformations induites par les mouvements internationaux de capitaux qui conduisent probablement à des transferts internationaux de base monétaire réduisant fortement la portée du multiplicateur.
Le multiplicateur dans le Système de réserve fédéral (FED) et l’Eurosystème.
Paradoxalement, alors que la FED accepte les opérations d’escompte en plus des refinancements par le marché, la création monétaire aux États-Unis correspond assez bien au principe du multiplicateur de crédits.
Dans la zone euro au contraire alors que l’Eurosystème [*1] ignore le réescompte, le principe du multiplicateur de crédit ne permet pas de décrire correctement la création monétaire.
Aux États-Unis les banques peuvent pratiquer des opérations de réescompte qui leur permettent de se procurer de la monnaie centrale en plus de celle qu’elles peuvent obtenir sur le marché monétaire. Ainsi la base monétaire est élargie d’une partie qui dépend des décisions des banques (porter une plus ou moins grande quantité de titres à l’escompte de la FED). Mais tant que le taux d’escompte est sensiblement supérieur au taux du refinancement sur le marché monétaire, les banques utilisent rarement la faculté qui leur est offerte de recourir à l’escompte.
Dans la zone euro l’Eurosystème ne se préoccupe pas directement de la quantité de base monétaire, il s’attache en revanche à agir sur la liquidité bancaire (une des composantes de la base monétaire) en faisant varier son prix. En observant l’évolution de la base monétaire (monnaie banque centrale) aux États-Unis et dans la zone euro on voit parfaitement que dans le premier cas l’évolution dans le temps est régulière alors que pour la zone euro elle est très irrégulière. De la même manière si on veut calculer la valeur du multiplicateur de crédit en faisant le rapport M / BM on obtient un résultat caractérisé par une grande instabilité. La présentation du mécanisme a pourtant montré que le multiplicateur devrait avoir un valeur stable puisqu’il dépend de deux coefficients (la part des billets dans la masse monétaire et le coefficient des réserves obligatoires) qui sont stables.
Évolution de la monnaie Banque centrale aux États-Unis et dans la zone euro (janvier 1999 – décembre 2005) janvier 1999 = 100 en logarithmes
Source : Banque de France 2006, page 483 de Monnaie, banque et marchés financiers, Frederic Mischkin, Pearson Education, 2007 (8e édition)
Multiplicateur apparent de M1 dabs la zone euro (janvier 1999 – décembre 2005)
M1 / Monnaie Banque centrale en valeurs mensuelles
Source : Banque de France 2006, page 484 de Monnaie, banque et marchés financiers, Frederic Mischkin, Pearson Education, 2007 (8e édition)
Ce constat conduit à proposer une autre analyse de la création monétaire pour la zone euro.
Le plus souvent l’analyse retenue est fondée sur l’examen des contreparties de M3 telles qu’elles apparaissent dans le bilan consolidé des IFM de la zone euro (Institutions financières monétaires) c’est-à-dire principalement tous les établissements de crédits et l’Eurosystème.
C’est la démarche suivie depuis la création de l’euro par les analystes de la Banque de France : Sources et mécanismes de la création de monnaie dans le cadre de l’Eurosystème, Marc-Antoine Kleinpeter, Bulletin de la Banque de France – n°73 – janvier 2000.
Les variations des contreparties de M3 doivent « expliquer » les variations de M3. Il est clair cependant que les changements intervenant dans l’une ou l’autre des contreparties peuvent être interdépendantes. Par exemple, les créances sur les non résidents ne sont pas indépendantes des créances sur le secteur privé, de même les engagements financiers à long terme (ressources collectées par les IFM exclues de M3qui sont donc des ressources « non monétaires ») sont influencés par les arbitrages que les agents non financiers font entre dépôts à court terme (dans M3) et à long terme (hors de M3).
Pour la zone euro l’évolution de la masse monétaire ne dépend pas seulement de celle de la base monétaire.
Mobilité et intermédiation des flux de capitaux
Dans un article publié en 2007, Patrick Artus pose le constat suivant : « le multiplicateur monétaire n’a plus de sens au niveau national ou régional, mais seulement au niveau mondial ».
Quand la mobilité internationale des capitaux est faible, un pays dont le solde commercial positif conduisait à un excédent d’épargne diminuait les taux d’intérêt pour stimuler l’investissement intérieur et absorber cette excès d’épargne.
Aujourd’hui, les pays émergents d’Asie et les pays exportateurs de matières premières, exportent cet excédent d’épargne par l’intermédiaire des banques centrales. Les réserves de change accumulées par les Banques centrales de ces pays alimentent la création monétaire interne à ces pays. L’accroissement de base monétaire (provoquée par l’entrée de devises) alimente des crédits qui sont sont utilisées principalement pour acquérir des titres des pays développés (obligations en dollars, en euros et en livre sterling) ce qui a plusieurs conséquences.
D’une part cela permet d’éviter une appréciation du taux de change de ces pays exportateurs et conforte ainsi leur compétitivité prix.
D’autre part cela conduit à une création de monnaie dans les pays développés puisque les achats de titres par les banques centrales des pays à excédent correspondent à des ventes par les détenteurs d’obligations domestiques, ce qui entraîne une augmentation de liquidité dans les pays développés. Les banques reçoivent des flux de capitaux à court terme des non résidents, ce qui accroît leur liquidité et les poussent à offrir davantage de crédits. Cela revient à un transfert de base monétaire entre les deux ensembles de pays rendant inefficace le contrôle dans les pays développés de la quantité de base monétaire et dans ce cas il ne sert à rien ou presque d’en contrôler le prix (taux d’intérêt du marché interbancaire) On observe bien une diminution de la base monétaire à partir de 2003 mais pas du montant des crédits.
Source : Flash économie, « Le multiplicateur monétaire (de crédits) : hier et aujourd’hui », Natixis, 23 février 2007.
Les données récentes pour les États-Unis et la zone euro montrent que le lien entre base monétaire et agrégat monétaire est considérablement affaibli sans que l’on puisse dire avec certitude que c’est une situation particulière explicable par la crise financière et monétaire. Voir le document joint extrait de la revue de la BNP Paribas EcoWeek du 30 octobre 2009.
*1 L’Eurosystème est le nom donné à l’ensemble constitué par la Banque centrale européenne (BCE) et les Banques centrales nationales (BCN) des États qui ont adopté l’euro. La BCE est la banque centrale qui gère la zone euro, l’Eurosystème concerne donc tous les États qui sont passés à l’euro (16 au 1er janvier 2009) et seulement eux. Les autres États membres de l’Union européenne s’ajoutent à ceux participant à l’Eurosystème pour constituer le Système européen de banques centrales (SEBC).
Sources:
http://bts-banque.nursit.com/Le-multiplicateur-de-base
http://bts-banque.nursit.com/Le-multiplicateur-monetaire
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