L’argent, le nerf de la guerre scolaire
De nos jour, on a du mal à écrire que nous sommes en guerre, pourtant en ces temps troublés, il y a un sévère combat scolaire pour bien se placer ensuite sur le marché du travail qui fait rage. L’argent est maintenant le nerf de la guerre autant comme défense qu´en attaque .
Il ne s’agit pas d’être naïf. L’argent a toujours été un facteur discriminatoire dans la réussite scolaire. R Boudon expliquait dans les années 70 que les inégalités scolaires étaient liées aux stratégies familiales, elles-mêmes corrélées à l’argent. Les riches imitent les riches et les pauvres les pauvres. Une famille aisée, quand elle mettait en relation le coût des études, le risque d’échouer et les avantages attendus n’était pas arrêtée par sa bourse, au contraire des familles modestes.
Les années 80 ont été les années de la rentrée en masse des lycéens et étudiants, bien plus que la démocratisation des études. Avec les années 2000, le chômage, la raréfaction des emplois industriels qualifiés, il apparaît que l’argent devient un élément clé dans la réussite scolaire et professionnelle. En effet pour avoir les bons enseignements il faut de plus en plus mettre la main à la poche.
Il y a une pyramide des diplômes, avec tout en haut les grandes écoles qui accueillent l’élite scolaire composée des plus doués et méritants. Même au sein des grandes écoles il y a une hiérarchie très fine : l’ENA c’est mieux que Polytechnique. Pour arriver au sommet il faut avoir survécu aux éliminations successives qui jalonnent le cursus scolaire : orientation en lycée général, filière scientifique, classe préparatoire à Paris, concours successifs.
En bas de la pyramide celui qui échoue à obtenir même le plus bas diplôme parce qu’il n’a pas réussi à apprendre à lire est condamné au chômage et donc à la pauvreté. Tout cela semble immuable et d’une logique implacable : les meilleurs en classe, aux examens et aux concours obtiennent les postes les plus avantageux ; ceux qui abandonnent l’école précocement sont tout en bas de l’échelle sociale.
Toujours payer…
Désormais, pour réussir le concours de médecine, comme celui d’aide-soignante, on a du mal à échapper aux formations complémentaires payantes. Pour les écoles de commerce, le filtre de l’argent est essentiel, quand il n’est pas exorbitant . Lors des concours également il faut accumuler des connaissances et un élève moyen sera éliminé rapidement, par un jury d’oral qui va juger un manque de dynamisme pour le surpoids par exemple ou par une épreuve écrite destinée à évaluer le degré d’assimilation à la culture de l’élite avec la fameuse culture générale . Cette culture qui n´en est pas vraiment une, car elle nécessite souvent de voir les musées parisiens, lire certains livres (une activité de riche, en plsu des livres souvent inutiles)…
Dans les régions et quartiers pauvres les enseignants sont plus souvent absents, moins bien formés, moins expérimentés, le turn-over est plus important et les dysfonctionnements administratifs fréquents. Mais on peut y échapper en payant une autre école.
Et si le système scolaire est trop sélectif, on peut tenter sa chance à l’étranger pour devenir médecin en Roumanie ou orthophoniste en Belgique. Avec l’éloignement et les différents coûts inhérents à ces études, à défaut de bourse scolaire, il faut que la bourse familiale soit bien remplie. Il est en effet facilement possible d´éliminer la concurrence des connaissances par celle de l´argent, l´argent permettant de se payer les connaissances que les autres étudiants par exemple roumains ne peuvent pas se payer.
Sinon outre le matériel, il faut de plus en plus de livres spécialisés, internet, un ordinateur, une imprimante pour pouvoir achever sa formation.
Est-ce que c´est voulu? Je ne sais pas mais c´est un fait, une bonne barrière à l´entrée permet à élite de rester l´élite (phénomène de lévitation). L’allongement généralisé des études n’a pas augmenté la mobilité sociale mais au contraire implique qu´il faut toujours plus pour rester dans la moyenne.
Toujours plus
On ne blâmera pas les parents emportés dans un tourbillon qui les dépasse, mais qui veulent offrir à leurs enfants le maximum de chances de décrocher un bon travail. Merveilleuse époque qui voit prospérer des coaches (rémunérés) en tous genres, pour planifier son travail , pour réviser, mais aussi pour s’orienter. Le problème de base est le fait que de toute façon peu importe la filière il n y a pas de travail. Qu´on ne me dise pas qu´il y des filières qui manquent de main-d´œuvre car actuellement manquer de main d´œuvre c´est avoir 30 CANDIDATS pour un SEUL POSTE.
L’époque de Jules Ferry et de l’école gratuite paraît bien loin. On rivalise d’imagination pour rendre marchand ce qui ne l’était pas. Il faut écrémé, toujours plus, et pour suivre le marathon il va falloir être alimenté dans la durée. A Toulouse, on crée un master en anglais à 6000 €. Moi-même, je suis tenté d’expliquer à des parents que faire le programme n’est pas suffisant, surtout si on pense aux concours comme ceux des classes préparatoires ou à Sciences Po. Il faut une LV3, une spécialité machin, un réseau truc et parfois plus.
L’argent est un des facteurs de réussite dans la scolarité et cela dé la primaire. Prenons le cas de deux enfants du primaire qui ont des difficultés, l’un a des parents aisés l’autre des parents pauvres. Le premier pourra bénéficier de cours particuliers payés par ses parents, il pourra ainsi combler ces lacunes. Le second n’aura pas ce service, il va donc devoir se « débrouiller » à l’école. Il aura plus de risque de redoubler. Idem chez un étudiant. Celui-ci a besoin d’un logement relativement onéreux. Un étudiant disposant d ´argent aura tout à sa disposition et pourra se consacrer entièrement à ses études. Un étudiant pauvre va devoir travailler pour pouvoir se payer son logement. Il aura donc moins de temps pour ses études et ses résultats scolaires seront moins bons.
Un enfant issu d’un milieu socio-culturel élevé où l’on consacre du temps et de l’argent à l’éducation, où la mère, enseignante, et le père, polytechnicien, par exemple, l’accompagnent dans son parcours scolaire aura à la base plus de chance de réussir sa scolarité qu’un enfant issu des banlieues, où les parents sont au chômage, et où la langue et le système scolaire français ne sont pas maîtrisés. Sans compter le carnet d´adresses de papa et maman.
Le déterminisme social c´est la transmission des capitaux d’une génération à l’autre. Par exemple la transmission du capital culturel. Le déterminisme social caractérise aussi la reproduction sociale, c’est-à-dire la tendance à perpétuer les inégalités sociales et les façons d’agir et de penser de génération en génération. Ainsi les riches restent riche en ayant les meilleurs jobs avec le plus de marge et les pauvres restent pauvres.
Sachez que dans les enquêtes internationales (enquêtes de référence PISA) le système scolaire français a d’ailleurs la palme de la reproduction des inégalités. L’échec scolaire c´est donc la condamnation à occuper des positions subalternes où l´argent va être un manque. L´écrémage se décide très tôt : un enfant qui ne parvient pas à apprendre à lire dès l’âge de 6-7 ans ne rattrapera jamais son retard, car la réussite à l’école passe par la maîtrise de la langue, dès le CP.
Le système commence à se boucler. Pour réussir à voir un emploi bien payé il faut de l´argent donc soit suivre mes méthodes pour vous enrichir soit avoir déjà un bon revenu. Il faut un investissement toujours plus grand pour des résultats toujours plus faibles.
En effet à la sortie de l´école les places sont chères et mal payées car il n´y a pas de travail. Il y a du stage ou de cette saloperie de performance que tout le monde recherche. Parfois , j´ai connu des jobs ou l´on renvoyait pour cause de performance commercial en 2 à 3 semaines pour des jobs ou la moyenne des ventes est de 1 à 2 vente par mois ! Pour avoir cette performance c´est une autre histoire car en premier il va falloir un job et pour cela il faut désormais avoir moult qualifications pour le décrocher.
Comment voulez-vous rentabiliser des études dans ce cas? Il faut toujours payer plus pour être juste dans la moyenne. Pour réussir, il faut avoir les moyens, et pour cela le portefeuille.
d’après un article http://enseigner.blog.lemonde.fr/2015/12/14/largent-de-plus-en-plus-le-nerf-de-la-guerre-scolaire/
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